L’amour d’une mère — le récit de Bousy Al Ibrahim et de ses six enfants (Transcription)Cliquer CC pour des sous-titres.
Qu’est-ce qu’un programme de navigateurs?
Les programmes de navigateurs aident les gens à gérer leur expérience au sein d’un organisme. Comment fait-on pour savoir quels services sont offerts? Comment fait-on pour se prévaloir de ces services et en tirer pleinement parti?
Il existe de nombreux programmes de navigation dans le monde qui visent à éliminer les écarts entre patients en matière de santé. Le nombre de programmes de navigation a augmenté dans le continuum des soins administrés aux personnes souffrant de cancer (du dépistage au diagnostic, du traitement aux soins palliatifs) et ont été repris dans bien d’autres domaines de la santé (p. ex. pour les soins complexes, le VIH et le diabète).
Les navigateurs au service des patients sont des membres importants dans une équipe de soins pluridisciplinaire d’un organisme. Ils peuvent parfois faire le pont entre des domaines disparates du système de santé. La formation et les antécédents de ces navigateurs peuvent varier selon les services qu’ils offrent. Certains sont détenteurs de permis cliniques, comme par exemple les infirmiers et les travailleurs sociaux. Il s’agit parfois de professionnels non cliniques (des navigateurs non liés au réseau de la santé). Quels qu’ils puissent être, ces navigateurs seront des personnes-ressources importantes pour les partenaires en milieu communautaire et d’autres intervenants.
Les programmes de navigation varient selon le type d’organisme, le nombre de navigateurs employés, la partie du continuum des soins sur laquelle portent les services de navigation, le type de maladie et les caractéristiques des patients que le navigateur soutient.
À l’extérieur du système de santé, les programmes de navigateurs officiels sont plutôt rares.
Courte historique des programmes de navigateurs dans le domaine de la santé
Avant la mise sur pied du premier programme de navigateurs au service des patients, le taux de survie sur cinq ans des patients à faible revenu était de 30 p. cent. Selon une étude, après l’établissement du programme de navigateurs au service des patients à New York, le taux de survie sur cinq ans est passé à 70 p. cent. L’aide en matière de navigation a permis aux patients d’obtenir un diagnostic et un traitement en temps opportun, facteur important de cette amélioration non négligeable du taux de survie.
Lancés à New York et repris par des organismes de santé partout en Amérique du Nord, les programmes de navigateurs au service des patients ont pris de plus en plus d’importance. Lorsque les organismes de soins de santé éliminent les obstacles que posent la langue, la culture ou l’état financier, les patients sont fortement avantagés sur le plan de la santé.
En 2001, la Nouvelle-Écosse a été la première compétence provinciale au Canada à adopter un programme de navigation au service des patients atteints de cancer. Selon le document 2005 Cancer Patient Navigation: Evaluation Findings: « Le programme a été très avantageux pour les patients atteints de cancer et leur famille, notamment en les aidant à gérer les perturbations d’ordre émotionnel et à surmonter les défis d’ordre logistique associés au cancer et en répondant à leurs besoins en information. Le programme a permis aux médecins de gérer leur horaire clinique plus efficacement et de mieux employer les professionnels de la santé en milieu communautaire. Le programme a contribué à des améliorations générales dans le système des soins liés au cancer en réglant des problèmes d’intégration, de coordination et de continuité des soins. Les faits sont clairs pour soutenir la mise en œuvre d’un programme de navigation au service des patients…»
Le nombre de programmes de navigation à l’intention des patients a augmenté au Canada, dans le domaine du traitement du cancer et ailleurs. Les programmes mis sur pied récemment sont axés sur les besoins culturels. Il existe maintenant des programmes de navigateurs au service des patients canadiens d’origine chinoise et sud-asiatique et de patients appartenant aux Premières nations.
D’intuition, nous nous attendons à ce que des organismes non liés à la santé obtiennent des résultats semblables. Les utilisateurs, une fois jumelés à un navigateur, jouiront d’un meilleur service, et on observera une augmentation correspondante des avantages et une diminution parallèle des coûts, tant pour l’organisme que pour la personne particulière.
Les réfugiés dans le monde entier
Selon la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés, un réfugié est défini comme suit : « personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouvant hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut pas se réclamer de la protection de ce pays ».
En 2015, plus de 15 millions de personnes dans le monde étaient des réfugiés. Nous sommes aux prises actuellement sur la planète avec la plus importante crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de la moitié de la population syrienne a été déplacée de force — huit millions ont été déplacés à l’interne et cinq millions en dehors de leur pays. On compte près de trois millions de réfugiés syriens en Turquie, plus d’un million au Liban et près de 700 000 en Jordanie.
« Ce qui est le plus difficile pour une mère, c'est de voir la peur dans les yeux de son enfant et de ne pas pouvoir faire quoi que ce soit ». Bousy Al Ibrahim avec ses enfants, Mohamad, Ehtidal, Aya, Reem, Amal et Rahma
Les réfugiés syriens au Canada
Le Canada est depuis longtemps terre d’asile pour des réfugiés et des immigrants, bien souvent pendant les crises de migration internationales. Il existait déjà un processus de réinstallation pour retirer des réfugiés de régions difficiles du monde et les accueillir au Canada.
Le Canada a accueilli 37 000 Hongrois fuyant le régime soviétique en 1956, 7 000 Sud-Asiatiques expulsés d’Ouganda en 1972 et plus de 60 000 Vietnamiens de 1978 à 1980. Le Canada entretient un réseau de réinstallation des réfugiés privé et public qui permet aux gens d’unir leurs ressources et de prendre des mesures utiles et pleines d’espoir pour les personnes fuyant la persécution et la peur.
Au mois de novembre 2015, le Canada s’est engagé à relocaliser 25 000 réfugiés syriens. Les premières familles ont commencé à arriver très peu après de camps en Turquie, en Jordanie et au Liban. La relocalisation de ces familles a pris l’allure d’un projet national. De nombreux canadiens ont commandité de manière privée ces réfugiés syriens. Au mois de juillet 2017, plus de 40 000 Syriens s’étaient établis au Canada.
Programmes à l’intention des nouveaux arrivants – L’expérience du CHEO
Le CHEO CHEO est un hôpital pédiatrique d’enseignement situé à Ottawa, la Capitale nationale du Canada. On y a l’habitude d’offrir des soins et des services à de nombreux nouveaux arrivants. Lorsque le gouvernement du Canada a annoncé qu’il accueillerait 25 000 réfugiés syriens, le CHEO a commencé à préparer le terrain en participant à un comité de planification d’Ottawa baptisé « Refugie 613. »
Le Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, à Ottawa
L’objectif premier consistait à appuyer les ressources communautaires déjà en place en les avisant des troubles de santé pédiatriques qu’ils pourraient devoir gérer et des moyens à prendre pour les gérer et pour éviter de donner des soins en milieu hospitalier non nécessaires. L’expérience du CHEO à ce jour avait permis d’établir que même si l’état de santé des réfugiés était parfois précaire, il était possible de gérer ces cas selon les moyens habituels de l’hôpital.
Le 6 janvier 2016, on a vite constaté que ce ne serait pas le cas pour ces réfugiés. L’après-midi ce jour-là, six familles de réfugiés sont arrivées au Service des urgences (SU) du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO). C’était la première vague de Syriens à se relocaliser au Canada. Arrivées quelques jours avant à peine, ces six familles avaient subi une évaluation médicale initiale par une infirmière praticienne de la clinique pour les nouveaux arrivants d’Ottawa, du Centre de santé communautaire Somerset Ouest. L’infirmière praticienne a noté que ces familles comptaient des enfants qui devaient obtenir plus de soins que le centre ne pouvait offrir. Elle a fait appel à un travailleur spécialisé en relocalisation pour qu’il les oriente vers le CHEO.
Le travailleur qui a orienté ces familles vers le CHEO parlait arabe. Nul n’avait été avisé de leur arrivée. C’était donc par pur hasard que Suelana Taha travaillait comme commis au Service des urgences ce jour-là. Née à Ottawa de parents libano-canadiens, Mme Taha parle trois langues : l’anglais, le français et l’arabe. S’appuyant sur ses connaissances culturelles et linguistiques, elle a collaboré avec l’équipe d’urgence pour adapter ses soins et régler des problèmes liés à leurs besoins uniques.
On a organisé des services d’interprétation supplémentaires; après quatre heures, Mme Taha est allée chercher des mets qui plairaient aux enfants nouveaux venus. Elle s’est servie de son propre argent pour faire venir des tartes au fromage et à la viande, mets courants en Syrie. C’était des tartes comme celles qu’elle mange dans sa famille libanaise et non pas des tourtières comme on pourrait s’attendre à trouver dans la Région de la capitale nationale. « L’expression des enfants, des mères et des pères en valait la peine, se souvient Mme Taha. Faire livrer des mets de leur culture a permis à tous de se détendre. Nous avons ainsi montré à ces familles que nous voulions réellement aider ».
Lorsque cette première longue nuit s’est enfin terminée, le moment était venu pour le CHEO de réfléchir à ce qui devrait être mis en place. Étant donné que plus de 1 100 réfugiés syriens allaient se relocaliser à Ottawa dans les mois à venir, on a compris que de nombreux enfants aux besoins complexes en matière de soins arriveraient bientôt.
Après cette première journée fort chargée où l’on avait accueilli six familles au Service des urgences du CHEO, le mot a circulé parmi les réfugiés syriens et les travailleurs spécialisés en relocalisation : le CHEO est prêt à aider. La demande de services a augmenté de manière très significative.
Gerardo Quintanar, responsable des Services de soutien culturel et spirituel du CHEO
Une grande partie des responsabilités initiales d’un navigateur improvisé revenait à Gerardo Quintanar, responsable des Services de soutien culturel et spirituel du CHEO. Au début de 2016, M. Quintanar a visité la Maison Sophia Reception House. Dirigé par le Centre catholique pour immigrants (CCI) d’Ottawa, Sophia House est un Centre d’hébergement temporaire, sur recommandation seulement, qui offre du soutien aux réfugiés parrainés par le gouvernement et aux demandeurs d’asile. Parmi les réfugiés qu’il a vus se trouvaient des enfants qui souffraient clairement de troubles de la santé graves et qui finiraient par être pris en charge par le CHEO.
« Nous n’étions pas préparés à accueillir un aussi grand nombre de gens ne parlant pas un mot d’anglais », de dire M. Quintanar. Dès le matin du 7 janvier 2016 (le jour suivant l’admission des six premiers enfants syriens), il a commencé à dresser un répertoire de membres du personnel pouvant parler l’arabe — soit plus de 25 membres du personnel et médecins, y compris des analystes de système organisationnel, des préposés au service aux patients, des techniciens dentaires et des chirurgiens. Le CHEO tient sa propre liste de traducteurs indépendants parlant plus de 40 langues à qui il peut faire appel au besoin, y compris des traducteurs qui parlent cinq des langues les plus courantes à Ottawa (l’arabe, le chinois, le somalien, l’espagnol et le vietnamien). La demande en pointe pour l’arabe toutefois a été trop importante pour ces services existants, et le CHEO a dû trouver rapidement le plus grand nombre possible d’interprètes d’expression arabe.
Certains enfants qui se présentaient au CHEO devaient être examinés parfois même par sept services. Les réfugiés et les travailleurs spécialisés dans la relocalisation avaient besoin d’aide, non seulement avec la langue, mais aussi pour savoir comment s’y retrouver parmi les complexités d’un hôpital pour enfants. Monsieur Quintanar s’est retrouvé en train d’organiser des navettes entre le CHEO et des hôtels et même à enseigner aux réfugiés des compétences sociales de base, notamment comment recourir au service d’autobus d’Ottawa et où faire ses emplettes. Il s’est aussi retrouvé en train d’aider le personnel et des médecins du CHEO à comprendre la culture syrienne.